25 nov. 2013

Chère Océane...

(photo A.E.)

J'ai été très émue ce matin par ton histoire.

Il y a trois ans, tu t'es fait vacciner contre le cancer du col de l'utérus, tu avais 15 ans. Hop, une petite injection de Gardasil. Tu ressentais déjà après cela des picotements, des "fourmillements" dans les bras et la jambe, mais ton médecin de famille t'a dit que ce n'était pas grave. Hop, une deuxième injection et là tu finissais au-dessus des toilettes à vomir, mal, au point de tomber inconsciente. Après, ça a été l'enfer. Tu nous as raconté, tu as essayé de nous raconter : les malaises, pendue aux bras des copines, les cours ratés, les injections chaque mois à l'hôpital de Dax, les paralysies, les maux, les rééducations à la Tour de Gassies au milieu des fauteuils roulants, le temps qui passe et toi qui ne vas pas mieux. La famille qui ne comprend pas, et les médecins qui comprennent. Ton père qui se bat comme un désespéré. Ta maman qui se sent terriblement coupable et qui a juste voulu, à l'époque, protéger sa petite fille. On disait partout que c'était bien... Tes parents qui vivent à côté du téléphone aujourd'hui, qui dorment avec, au cas où tu aurais besoin. Ben oui, malgré les soucis, tu as pris ton indépendance, un studio à Bayonne pour pouvoir aller en cours, au rez-de-chaussée pour ne pas trop te fatiguer. Après tout, tu as bien le droit, tu as 18 ans. Tu ne supportes plus le soleil, la chaleur, marcher plusieurs centaines de mètres. Les plages du Pays basque sont si belles. Tu en as ras-le-bol des maux de ventre, des vertiges et de l'état comateux. Comme on te comprend, nous et nos tout petits problèmes.

C'est incompréhensible : un vaccin. Fait pour soigner. Qu'y a-t-il de plus sécurisant qu'un vaccin ? De plus rempli d'espoir. De plus anodin. Et te voilà devant nous, sauvage nuée de journalistes, effrayée mais si courageuse, trois ans plus tard. Je ne sais même pas comment tu as fait pour nous supporter, pour ne serait-ce qu'endurer la vision de ce mur d'objectifs. Comment tu as pu souffrir nos soucis techniques, nos querelles organisationnelles stupides et nos questions qui veulent tout savoir.  Elles t'étaient bienveillantes, sache-le, mais quelle agression !


Tu dis que ta vie a été gâchée, mais tu veux voyager. Tu pleures mais tu souris. J'espère qu'on t'entendra, j'espère surtout qu'on t'écoutera.

Bien à toi,

Pau.


20 nov. 2013

Des livres et moi...

Allo, y'a quelqu'un ?
Je ne sais même plus comment ça marche par ici...
Désolée d'avoir été si loin, j'ai honte. Et merci aux quelques, qui, par ci par là, ont continué de regarder ce blog. Et qui n'ont cessé de me motiver.
Il y a eu beaucoup d'actualités, d'idées, d'envies, de projets, depuis le mois de février. Mais comme une difficulté à écrire. J'avoue, je me suis dit que tout ce que j'avais à vous proposer était nul, et que vous valiez mieux que ça.



A défaut d'écrire, donc, j'ai lu !
Et je voulais vous parler d'un petit challenge que l'on m'a proposé il y a quelques mois : faire partie d'un jury littéraire. Pour moi, c'était bel et bien un petit défi, je me suis demandée maintes fois ce que je faisais là et dans quelle mesure mon avis pouvait bien compter. Et je suis, ô combien, ravie de l'avoir fait.
Cette année (et sans doute celles à venir), j'ai donc fait partie du jury du prix Gironde Nouvelles écritures. Il s'agit du prix remis par le Conseil général de la Gironde à de "jeunes" talents : il récompense chaque année un écrivain, auteur d'un premier ou d'un second roman. Pas un auteur girondin. Et pas non plus un auteur qui nous parle de Gironde. Vous voyez le truc ? Alors forcément, son nom le condamne un peu ce joli prix, et l'enferme un peu dans la longue liste des prix régionaux, alors qu'il est tout sauf tourné vers lui-même et sa région. Bref, voilà pour la promo. Et j'ajouterais aussi qu'une joyeuse troupe de lettrés passionnés (auteurs locaux ou pas, libraire, responsable de bibliothèque, critique littéraire, sous la présidence du Courrier français) gère et fait vivre ce prix qui ne demande qu'à être (re)connu.

Il y a quelques mois, me voilà donc embarquée dans l'aventure (comment ? pourquoi ? Je ne sais pas !). J'étais heureuse comme une gamine. J'ai toujours adoré les livres, le livre, m'isoler dans un bouquin. Et là on m'encourage à le faire ! Et on me demande mon avis ! Dingue. Pour moi, être jury littéraire, c'était un truc pour les grands, les pros, les intelligents.
J'ai reçu six bouquins, ce qui pour moi était déjà en soi un petit bonheur. Je les ai lus, tranquillement, sérieusement, difficilement, passionnément. J'ai dû faire appel à mes vieux souvenirs d'étudiante en prépa lettres : laisser agir la pleine et subite émotion tout en gardant une place pour l'analyse. Je me suis régalée.

Fin octobre, nous avons délibéré. Échangé, débattu, disserté. Et puis surtout voté. Et tout ça, c'est super sérieux. Plusieurs tours de vote, des bulletins secrets... Ce n'est pas un petit prix, je vous dis (accessoirement, c'est une dotation de 7600€ pour le lauréat) ! Et c'est Isabelle Coudrier avec son livre J'étais Quentin Erschen qui a remporté le prix, un beau roman sur l'enfance, rempli de nostalgie, qui laisse songeur, triste et un peu coupable.
Pour être complètement honnête avec vous, ce n'était pas mon livre coup de coeur. J'avais adoré Gibier de Clément Caliari, un livre drôle, cruel sur les péripéties politiques d'un village hongrois au 20e siècle. J'ai ri, voyagé, je l'ai parcouru avec avidité. Ainsi que le beau Arithmétique des Dieux de Katrina Kalda. Mais c'est le jeu, et c'est très bien comme ça. Avec un peu de recul, je dois reconnaître que le livre d'Isabelle Coudrier me laisse un souvenir intense et présent. C'est aussi ça la marque d'une belle oeuvre, le temps...

Voilà, tout ça pour dire que ce petit prix a le grand mérite d'exister. Que j'ai été très fière d'y participer cette année, honorée d'en être à nouveau à l'avenir. Et il faut le défendre, le faire vivre. L'année prochaine, il aura 25 ans. J'espère que vous en entendrez parler.

A très vite. Promis !

Pau.

http://www.gironde.fr/jcms/c_17029/prix-gironde-nouvelles-ecritures

26 févr. 2013

C'est pas de la com !

(une des nombreuses séances de travail pour Bordelaises)

La presse féminine, j'en lis des kilos. J'avoue. J'ai feuilleté/acheté à peu près tout ce qui peut se faire. Et je continue de sauver les finances des groupes de presse en consommant ELLE, Vogue, Grazia, Marie-Claire, Causette, Glamour and co. J'adore leur légèreté et j'assume. J'apprécie l'esthétisme, les belles choses qu'on y voit, les idées que ça suscite, la curiosité que ça éveille, l'air du temps que ça souffle. Mais je souffre souvent de leur manque d'engagement. La dernière page avalée, je suis frustrée. De ne pas toujours souvent me reconnaître dans le portrait de la femme qui est brossé, de ne pas vibrer, de ne pas y voir ma génération. Souvent, on frôle même le scandale tant la presse qui devrait tant nous défendre, nous renvoie à nos propres contraintes et avilissements. Parfois, on tombe dans l'excès inverse et on a presque honte d'aimer les futilités. Bref, mon magazine parfait n'existe toujours pas.

C'est de ce constat qu'est née l'aventure "Bordelaises". En septembre dernier, lors d'une conférence de presse, nous étions quatre filles, quatre journalistes indépendantes à "râler" face à ce manque, à brûler d'envie de créer enfin un mag qui nous ressemble, qui nous parle. Qui montre qu'on a toutes les épaules assez larges (n'en déplaise à un avocat bordelais pathétiquement célèbre). La mairie de Bordeaux a tendu l'oreille et nous a dit "banco", et surtout "carte blanche", pour un numéro spécial femmes pour le 8 mars. Faites-le, le magazine de vos rêves ! Forcément, c'était tentant. Comme mes collègues, j'ai beaucoup réfléchi avant de me lancer. Car travailler pour une municipalité n'est évidemment pas anodin. Etre rédacteur pour une publication municipale ne veut pas dire être journaliste. Et utiliser sa plume de professionnel pour de la communication ne peut pas être du journalisme. Face à cela, nous devons tous être terriblement vigilants, devant notamment à la multiplication de supports mi-info/mi-com, aux frontières floues, et alimentées de bonne grâce par des journalistes qui ont besoin de manger, de vivre, de travailler. De l'alimentaire, des ménages, de la com déguisée et grassement payée, ça existe, tout le monde le sait, pas mal de monde le fait. De cela, il n'était pas question pour moi. Evidemment, j'ai entendu que j'étais passée de l'autre côté (le côté obscur des méchants de la grande manipulation intellectuelle), que je ne pourrais pas faire du journalisme avec la mairie, que je devrais forcément me plier aux exigences de la structure, qu'un tel engagement un an avant des élections municipales était pure folie, que ma carte de presse allait souffrir, et moi avec. Beaucoup d'interrogations, légitimes et logiques.

Je me suis également posé ces questions. Mais je peux dire aujourd'hui et sans rougir que nous avons fait un travail de journaliste. Pour couper court aux râleurs, mauvais pensants, sceptiques et critiques faciles, voilà comment cela s'est passé : c'est la mairie qui a géré la pub, le graphisme, l'édition, la partie commerciale. C'est l'équipe composée des quatre journalistes féminines qui a proposé les sujets. Nous n'avons subi aucune censure, quelques idées ont été retoquées, d'autres discutées, ni plus ni moins que dans un journal classique. Nous avons mené nos reportages, entretiens sans que la mairie n'intervienne d'aucune façon, ni dans les interlocuteurs choisis, ni dans les angles d'article retenus. Aucun mot, aucune virgule n'a été changé. Nous nous sommes investies, beaucoup, et avons travaillé avec autant de liberté que nous l'avons souhaité et demandé dès le début. Peut-être plus que pour certaines publications pour lesquelles j'ai déjà écrit. A aucun moment, je n'ai eu l'impression, la sensation de travailler pour un outil de communication politique. Alors certes, je ne suis pas naïve, enfin je me soigne alors je le suis moins. Je suis bien consciente que la mairie a trouvé et trouvera sa part et son bénéfice, notamment en terme d'image, dans un tel projet. De mon côté, j'ai pris du plaisir à le faire, à rencontrer des femmes exceptionnelles, passionnantes. Comme nous le disons dans l'édito, ce n'est sans doute pas le magazine parfait. Celui-là trône encore quelque part au fond de ma tête. Mais c'est un joli projet mené avec coeur par une troupe de filles motivées. Qui a une certaine idées des femmes et du féminisme. Qui parle de vous, je l'espère, et puis un peu aussi de nous toutes.
Ecrire pour une mairie, une collectivité, une agence de com, ça ne DOIT pas être la règle, le réflexe un peu facile et gagne-pain de notre métier, qui doit rester farouchement indépendant. Mais ce fut une jolie exception.

Et puis tant qu'on y est, et puisqu'il paraît que les réseaux de femmes fonctionnent particulièrement bien à Bordeaux, je vous invite à venir découvrir et récupérer Bordelaises demain mercredi 27 février de 17h à 19h à l'Hôtel de Ville de Bordeaux. C'est une belle occasion de rencontrer du monde, d'échanger entre filles mais pas que. C'est ouvert à tou(te)s et j'espère bien vous y croiser !

A bientôt,

Pau.

ps : Bordelaises, c'est gratuit, à partir du 27 février, à venir chercher en mairie ou autres lieux municipaux.