21 déc. 2012

C de la com !

Hello,

avec un si long silence radio, absolument scandaleux, je me rends bien compte qu'A fleur de Pau ne sera sans doute pas LE blog de l'année 2012... Ce n'est pas grave, ne baissons pas les bras, prenons des mesures concrètes, soyons efficaces, rentabilisons le temps (eh oui, parce que c'est bien ça le problème, hein, ce n'est pas que je vous aime pas), enfin bouge-toi, Pau !



Bref, j'avais envie de vous raconter une petite histoire vieille d'une semaine (bouhhh...), lorsque j'ai eu la chance de rentrer dans les ateliers du Père Noël. Afin d'aller chez Cdiscount, quoi. Dans toutes les rédactions de Bordeaux et de Navarre, nous recevions il y a quelques semaines, un petit courrier nous informant de la venue de Fleur Pellerin en Gironde, et de sa visite des locaux de la boîte n°1 française de e-commerce. Alors il faut savoir que Cdiscount, c'est l'antre secrète, le no-man's land journalistique, le défi. A de très nombreuses reprises ces dernières années, des collègues ou moi avons sollicité le service communication de la boîte. Je ne vous cache pas que les lourdes rumeurs de tensions sociales et de conditions de travail pas très nettes nous avaient un peu motivés à solliciter des autorisations de tournage. Parfois, sans aucune malveillance journalistique, nous avons souhaité faire des sujets sur le boum du e-commerce, la réussite de boîtes françaises etc. Portes closes. Zéro communication. Zéro explication. Impossible de montrer un bout d'orteil chez le géant du net. Alors là, invités, on s'est tous dit : chouette, on va enfin pouvoir voir... ce qu'ils vont bien vouloir nous montrer !
Quelques minutes avant l'arrivée de la ministre, sous la pluie, un responsable de com à l'écharpe bien serrée nous prévient illico : vous rentrez, vous faites vos images, mais vous ne posez pas une question aux dirigeants. Alors là, on se rebelle vous voyez, genre "nous, on est journalistes, on ne nous convoque pas monsieur, et on ne nous dit pas ce que l'on doit faire" "si vous nous sollicitez, vous nous parlez" "on n'est pas venus pour rien" (sympa pour Fleur, vous l'aurez remarqué). Un collègue s'en va, son micro sous le bras, en les traitant de.....biiiiiip. Non mais pour qui ils nous prennent ? Entre nous "hihihi, c'est bon, on fait ce qu'on veut, on va aller le voir, le patron".

Bon, on rentre quand même. On fait nos images. On abandonne le cortège ministériel pour filmer à tout va. On s'en fout de la visite, on veut juste faire notre sujet sur le commerce en ligne avant Noël. De véritables gamins indisciplinés. Les attachés de com sont agacés, nous rappellent à l'ordre, nous demandent de ne pas traîner, de ne pas parler au personnel si possible. A la fin, petit pitch du big boss, l'homme qui valait 1,2 milliard, qu'ils disent. "Nos magnifiques résultats..." bla bla. "Record de colis expédiés..." bla bla. "croissance à deux chiffres..." bla bla "honorés de votre présence Madame la ministre..." bla bla. Petit mot de la ministre. Nous nous jetons ensuite sur le fameux boss qui se met alors à hâter le pas et nous ignorer. Regard baissé, mains pour se cacher genre Kate Moss, "non" bredouillant, directeur de com qui tente de s'interposer, ministre gênée, big boss qui fuit face à la peste de la presse qui l'assaille. Révoltés, on se venge sur la ministre qui elle, est bien là pour communiquer. Elle doit partir, le patron revient pour la raccompagner. Il nous évite, quelques journalistes le coincent entre les petits fours et leurs objectifs, l'un deux s'acharne avec ses questions, crie plus fort que la com, et là, acculé, un son chevrotant sort de sa gorge nouée. Il nous dit quelques banalités, un véritable communiqué de presse en version vocale. Ah ah, on l'a bien eu, on l'a gagné notre son ! Bon, on n'a rien appris, on n'a rien pu demander non plus, tout ceci ne fut qu'une minable opération de communication ratée, mais bon, c'est nous qui décidons, tout de même !

Cette petite anecdote pour dire quoi : comment aujourd'hui en France et dans notre société de communication, une boîte qui fait des milliards de chiffre d'affaires peut-elle encore se refuser à parler à des journalistes qu'elle a elle-même acceptés de recevoir, voire invités (ça ne se passerait pas comme ça aux States, moi je vous le dis) ? Au final, leur plan com est-il planté ou implicitement réussi ? Après tout, personne n'a réellement pu raconter le ridicule de la situation et de l'attitude des dirigeants. Et dans quelle mesure, nous journalistes, devons-nous dénoncer ce genre de manipulation ? On nous invite, a priori, c'est pour que nous puissions travailler, et parce que le sujet, le lieu ont un intérêt, une actualité. Mais on ne nous parle pas (pour ne pas être confronté aux questions qui dérangent), et on ne nous montre que ce que l'on veut bien nous montrer. Doit-on protester et partir, avec notre micro sous le bras, en les traitant de....biiiiip ? Doit-on rester, pour tenter de faire notre métier, tenter de raconter quelque chose, de creuser derrière la façade (facile, évidemment, en 45 minutes d'une visite menée au pas de charge) ? Doit-on carrément boycotter ce genre de barnum médiatique ? Doit-on insister, comme certains l'ont heureusement fait (et même pour pas grand chose), juste histoire de dire que notre métier, c'est encore de poser les questions qu'on veut à qui l'on veut, et encore plus aux puissants ? Et est-ce que tout le monde est tenu de nous répondre ?

Nous avons de gros problèmes et de grands questionnement, me direz-vous...(je sens que vous avez envie de me le dire !). Mais le débat est réel, dans ce genre de situations comme lors des innombrables visites ministérielles, communications politiques, portes ouvertes, invitations, et autres sollicitations de médias. Je sers la soupe, parfois, comme tout le monde. D'autres fois, je zappe. Mais je me pose toujours la question. Ouf ?

Très belles fêtes à tous <3 <3

Pau.

ps : bon ben du coup, la photo, ce sont les pieds des dirigeants and co. A défaut de pouvoir les écouter, on se contentera de leurs chaussures.