26 déc. 2014

Un an, dix ans.



Il y a dix ans, le tsunami. Comme pour le 11 septembre, qui ne se souvient pas où il était, ce qu'il faisait, quand il a découvert ? Ces images de vague boueuse emportant tout sur son passage, ces vidéos d'amateurs, touristes, en appelant au bon Dieu ? Puis, les jours suivants, la dévastation.
Il y a un an (un peu plus d'un an en fait), Banda Aceh. Avec mon compagnon journaliste Antoine, nous sommes retournés sur le lieu le plus touché par la catastrophe naturelle. Lui avait couvert l'événement neuf ans plus tôt. Il avait passé un mois à arpenter l'île de Sumatra, complètement anéantie par la vague géante. Pendant toutes ces années, il a ruminé, revu et revécu, cauchemardé. Et il a eu besoin de retourner là-bas. Dans son projet personnel et professionnel, il a eu la générosité de m'embarquer. L'idée était de faire du repérage, en vue d'un documentaire diffusé à l'occasion des dix ans de la catastrophe. Aujourd'hui. Ce documentaire, il n'existe pas, pas encore. La vie a fait que. Un bébé entre temps, c'est la meilleure des excuses, non ?

Malgré une année chargée, Antoine a voulu y retourner. Même quelques petits jours, même pour un documentaire moins long que prévu. Mais à tout prix, pour honorer tous ceux qui nous avaient reçus l'année dernière, et qui s'étaient confiés à nous, réveillant ainsi des douleurs enfouies et des traumatismes à peine voilés. Il n'a pas eu de visa. Le voilà aujourd'hui au Sri Lanka pour parler d'autres victimes. Le Sri Lanka a été le deuxième pays le plus touché par la catastrophe. A-t-on besoin de redonner les chiffres effarants ? Certes, il y avait là-bas trop peu de touristes occidentaux pour que le pays fasse la une au même titre que la Thailande. Lors d'un autre voyage que nous avions fait en 2009, nous avions compris à quel point les Sri Lankais étaient, eux aussi, des traumatisés du tsunami. Ses reportages pour i-télé, regardez-les.


Banda Aceh, aujourd'hui je pense à tes rues bouillonnantes, à tes couchers de soleil brûlants. A tes habitants à la gentillesse incomparable, si heureux et honorés de recevoir des "touristes". Je pense aux escapades en scooter façon indonésienne. Je pense à tes enfants. Pour les rencontrer, nous avons arpenté les orphelinats, toujours reçus avec une simplicité touchante. Les jeunes filles, timides, nous ont raconté la vague, la peur, la perte des parents. Les souvenirs sont enfouis sous les voiles. Certaines n'ont pas pu parler, alors elles nous ont écrit. Je garde précieusement leurs lettres que je ne saurais déchiffrer aujourd'hui. Les femmes ne veulent plus aller à la plage. Les pêcheurs voient bien qu'il y a bien moins de poisson. Les plus aisés ont fait construire des maisons anti-sismiques, avec des hauteurs sous plafond étonnamment hautes, incompréhensibles. Jusqu'à ce que l'on comprenne pourquoi. Partout, tous disent que le tsunami est loin derrière, oublié. Mais tous ne font qu'en parler.
Aujourd'hui, je pense à l'entrée du musée du tsunami, couloir noir le long d'un mur de la terrible hauteur de la vague lorsqu'elle a touché Banda Aceh, 17 mètres. Je ressens le frisson, de nouveau, et je ne peux imaginer que les habitants puissent vivre chaque jour ici dans la crainte qu'elle ne revienne.
Je pense à Zatin, Alfie, Andri, Agus, Emil et tous les autres qui nous ont accueillis, aidés, écoutés, accompagnés, trimballés, expliqué, sans rien attendre en retour. J'imagine que la journée est douloureuse pour eux, que le souvenir est intact, vif, et immense. J'espère vraiment, vraiment, que ce documentaire verra le jour. On leur doit bien ça. Onze ans plus tard ?

Bien à vous,

Pau.

25 nov. 2013

Chère Océane...

(photo A.E.)

J'ai été très émue ce matin par ton histoire.

Il y a trois ans, tu t'es fait vacciner contre le cancer du col de l'utérus, tu avais 15 ans. Hop, une petite injection de Gardasil. Tu ressentais déjà après cela des picotements, des "fourmillements" dans les bras et la jambe, mais ton médecin de famille t'a dit que ce n'était pas grave. Hop, une deuxième injection et là tu finissais au-dessus des toilettes à vomir, mal, au point de tomber inconsciente. Après, ça a été l'enfer. Tu nous as raconté, tu as essayé de nous raconter : les malaises, pendue aux bras des copines, les cours ratés, les injections chaque mois à l'hôpital de Dax, les paralysies, les maux, les rééducations à la Tour de Gassies au milieu des fauteuils roulants, le temps qui passe et toi qui ne vas pas mieux. La famille qui ne comprend pas, et les médecins qui comprennent. Ton père qui se bat comme un désespéré. Ta maman qui se sent terriblement coupable et qui a juste voulu, à l'époque, protéger sa petite fille. On disait partout que c'était bien... Tes parents qui vivent à côté du téléphone aujourd'hui, qui dorment avec, au cas où tu aurais besoin. Ben oui, malgré les soucis, tu as pris ton indépendance, un studio à Bayonne pour pouvoir aller en cours, au rez-de-chaussée pour ne pas trop te fatiguer. Après tout, tu as bien le droit, tu as 18 ans. Tu ne supportes plus le soleil, la chaleur, marcher plusieurs centaines de mètres. Les plages du Pays basque sont si belles. Tu en as ras-le-bol des maux de ventre, des vertiges et de l'état comateux. Comme on te comprend, nous et nos tout petits problèmes.

C'est incompréhensible : un vaccin. Fait pour soigner. Qu'y a-t-il de plus sécurisant qu'un vaccin ? De plus rempli d'espoir. De plus anodin. Et te voilà devant nous, sauvage nuée de journalistes, effrayée mais si courageuse, trois ans plus tard. Je ne sais même pas comment tu as fait pour nous supporter, pour ne serait-ce qu'endurer la vision de ce mur d'objectifs. Comment tu as pu souffrir nos soucis techniques, nos querelles organisationnelles stupides et nos questions qui veulent tout savoir.  Elles t'étaient bienveillantes, sache-le, mais quelle agression !


Tu dis que ta vie a été gâchée, mais tu veux voyager. Tu pleures mais tu souris. J'espère qu'on t'entendra, j'espère surtout qu'on t'écoutera.

Bien à toi,

Pau.


20 nov. 2013

Des livres et moi...

Allo, y'a quelqu'un ?
Je ne sais même plus comment ça marche par ici...
Désolée d'avoir été si loin, j'ai honte. Et merci aux quelques, qui, par ci par là, ont continué de regarder ce blog. Et qui n'ont cessé de me motiver.
Il y a eu beaucoup d'actualités, d'idées, d'envies, de projets, depuis le mois de février. Mais comme une difficulté à écrire. J'avoue, je me suis dit que tout ce que j'avais à vous proposer était nul, et que vous valiez mieux que ça.



A défaut d'écrire, donc, j'ai lu !
Et je voulais vous parler d'un petit challenge que l'on m'a proposé il y a quelques mois : faire partie d'un jury littéraire. Pour moi, c'était bel et bien un petit défi, je me suis demandée maintes fois ce que je faisais là et dans quelle mesure mon avis pouvait bien compter. Et je suis, ô combien, ravie de l'avoir fait.
Cette année (et sans doute celles à venir), j'ai donc fait partie du jury du prix Gironde Nouvelles écritures. Il s'agit du prix remis par le Conseil général de la Gironde à de "jeunes" talents : il récompense chaque année un écrivain, auteur d'un premier ou d'un second roman. Pas un auteur girondin. Et pas non plus un auteur qui nous parle de Gironde. Vous voyez le truc ? Alors forcément, son nom le condamne un peu ce joli prix, et l'enferme un peu dans la longue liste des prix régionaux, alors qu'il est tout sauf tourné vers lui-même et sa région. Bref, voilà pour la promo. Et j'ajouterais aussi qu'une joyeuse troupe de lettrés passionnés (auteurs locaux ou pas, libraire, responsable de bibliothèque, critique littéraire, sous la présidence du Courrier français) gère et fait vivre ce prix qui ne demande qu'à être (re)connu.

Il y a quelques mois, me voilà donc embarquée dans l'aventure (comment ? pourquoi ? Je ne sais pas !). J'étais heureuse comme une gamine. J'ai toujours adoré les livres, le livre, m'isoler dans un bouquin. Et là on m'encourage à le faire ! Et on me demande mon avis ! Dingue. Pour moi, être jury littéraire, c'était un truc pour les grands, les pros, les intelligents.
J'ai reçu six bouquins, ce qui pour moi était déjà en soi un petit bonheur. Je les ai lus, tranquillement, sérieusement, difficilement, passionnément. J'ai dû faire appel à mes vieux souvenirs d'étudiante en prépa lettres : laisser agir la pleine et subite émotion tout en gardant une place pour l'analyse. Je me suis régalée.

Fin octobre, nous avons délibéré. Échangé, débattu, disserté. Et puis surtout voté. Et tout ça, c'est super sérieux. Plusieurs tours de vote, des bulletins secrets... Ce n'est pas un petit prix, je vous dis (accessoirement, c'est une dotation de 7600€ pour le lauréat) ! Et c'est Isabelle Coudrier avec son livre J'étais Quentin Erschen qui a remporté le prix, un beau roman sur l'enfance, rempli de nostalgie, qui laisse songeur, triste et un peu coupable.
Pour être complètement honnête avec vous, ce n'était pas mon livre coup de coeur. J'avais adoré Gibier de Clément Caliari, un livre drôle, cruel sur les péripéties politiques d'un village hongrois au 20e siècle. J'ai ri, voyagé, je l'ai parcouru avec avidité. Ainsi que le beau Arithmétique des Dieux de Katrina Kalda. Mais c'est le jeu, et c'est très bien comme ça. Avec un peu de recul, je dois reconnaître que le livre d'Isabelle Coudrier me laisse un souvenir intense et présent. C'est aussi ça la marque d'une belle oeuvre, le temps...

Voilà, tout ça pour dire que ce petit prix a le grand mérite d'exister. Que j'ai été très fière d'y participer cette année, honorée d'en être à nouveau à l'avenir. Et il faut le défendre, le faire vivre. L'année prochaine, il aura 25 ans. J'espère que vous en entendrez parler.

A très vite. Promis !

Pau.

http://www.gironde.fr/jcms/c_17029/prix-gironde-nouvelles-ecritures

26 févr. 2013

C'est pas de la com !

(une des nombreuses séances de travail pour Bordelaises)

La presse féminine, j'en lis des kilos. J'avoue. J'ai feuilleté/acheté à peu près tout ce qui peut se faire. Et je continue de sauver les finances des groupes de presse en consommant ELLE, Vogue, Grazia, Marie-Claire, Causette, Glamour and co. J'adore leur légèreté et j'assume. J'apprécie l'esthétisme, les belles choses qu'on y voit, les idées que ça suscite, la curiosité que ça éveille, l'air du temps que ça souffle. Mais je souffre souvent de leur manque d'engagement. La dernière page avalée, je suis frustrée. De ne pas toujours souvent me reconnaître dans le portrait de la femme qui est brossé, de ne pas vibrer, de ne pas y voir ma génération. Souvent, on frôle même le scandale tant la presse qui devrait tant nous défendre, nous renvoie à nos propres contraintes et avilissements. Parfois, on tombe dans l'excès inverse et on a presque honte d'aimer les futilités. Bref, mon magazine parfait n'existe toujours pas.

C'est de ce constat qu'est née l'aventure "Bordelaises". En septembre dernier, lors d'une conférence de presse, nous étions quatre filles, quatre journalistes indépendantes à "râler" face à ce manque, à brûler d'envie de créer enfin un mag qui nous ressemble, qui nous parle. Qui montre qu'on a toutes les épaules assez larges (n'en déplaise à un avocat bordelais pathétiquement célèbre). La mairie de Bordeaux a tendu l'oreille et nous a dit "banco", et surtout "carte blanche", pour un numéro spécial femmes pour le 8 mars. Faites-le, le magazine de vos rêves ! Forcément, c'était tentant. Comme mes collègues, j'ai beaucoup réfléchi avant de me lancer. Car travailler pour une municipalité n'est évidemment pas anodin. Etre rédacteur pour une publication municipale ne veut pas dire être journaliste. Et utiliser sa plume de professionnel pour de la communication ne peut pas être du journalisme. Face à cela, nous devons tous être terriblement vigilants, devant notamment à la multiplication de supports mi-info/mi-com, aux frontières floues, et alimentées de bonne grâce par des journalistes qui ont besoin de manger, de vivre, de travailler. De l'alimentaire, des ménages, de la com déguisée et grassement payée, ça existe, tout le monde le sait, pas mal de monde le fait. De cela, il n'était pas question pour moi. Evidemment, j'ai entendu que j'étais passée de l'autre côté (le côté obscur des méchants de la grande manipulation intellectuelle), que je ne pourrais pas faire du journalisme avec la mairie, que je devrais forcément me plier aux exigences de la structure, qu'un tel engagement un an avant des élections municipales était pure folie, que ma carte de presse allait souffrir, et moi avec. Beaucoup d'interrogations, légitimes et logiques.

Je me suis également posé ces questions. Mais je peux dire aujourd'hui et sans rougir que nous avons fait un travail de journaliste. Pour couper court aux râleurs, mauvais pensants, sceptiques et critiques faciles, voilà comment cela s'est passé : c'est la mairie qui a géré la pub, le graphisme, l'édition, la partie commerciale. C'est l'équipe composée des quatre journalistes féminines qui a proposé les sujets. Nous n'avons subi aucune censure, quelques idées ont été retoquées, d'autres discutées, ni plus ni moins que dans un journal classique. Nous avons mené nos reportages, entretiens sans que la mairie n'intervienne d'aucune façon, ni dans les interlocuteurs choisis, ni dans les angles d'article retenus. Aucun mot, aucune virgule n'a été changé. Nous nous sommes investies, beaucoup, et avons travaillé avec autant de liberté que nous l'avons souhaité et demandé dès le début. Peut-être plus que pour certaines publications pour lesquelles j'ai déjà écrit. A aucun moment, je n'ai eu l'impression, la sensation de travailler pour un outil de communication politique. Alors certes, je ne suis pas naïve, enfin je me soigne alors je le suis moins. Je suis bien consciente que la mairie a trouvé et trouvera sa part et son bénéfice, notamment en terme d'image, dans un tel projet. De mon côté, j'ai pris du plaisir à le faire, à rencontrer des femmes exceptionnelles, passionnantes. Comme nous le disons dans l'édito, ce n'est sans doute pas le magazine parfait. Celui-là trône encore quelque part au fond de ma tête. Mais c'est un joli projet mené avec coeur par une troupe de filles motivées. Qui a une certaine idées des femmes et du féminisme. Qui parle de vous, je l'espère, et puis un peu aussi de nous toutes.
Ecrire pour une mairie, une collectivité, une agence de com, ça ne DOIT pas être la règle, le réflexe un peu facile et gagne-pain de notre métier, qui doit rester farouchement indépendant. Mais ce fut une jolie exception.

Et puis tant qu'on y est, et puisqu'il paraît que les réseaux de femmes fonctionnent particulièrement bien à Bordeaux, je vous invite à venir découvrir et récupérer Bordelaises demain mercredi 27 février de 17h à 19h à l'Hôtel de Ville de Bordeaux. C'est une belle occasion de rencontrer du monde, d'échanger entre filles mais pas que. C'est ouvert à tou(te)s et j'espère bien vous y croiser !

A bientôt,

Pau.

ps : Bordelaises, c'est gratuit, à partir du 27 février, à venir chercher en mairie ou autres lieux municipaux.

21 déc. 2012

C de la com !

Hello,

avec un si long silence radio, absolument scandaleux, je me rends bien compte qu'A fleur de Pau ne sera sans doute pas LE blog de l'année 2012... Ce n'est pas grave, ne baissons pas les bras, prenons des mesures concrètes, soyons efficaces, rentabilisons le temps (eh oui, parce que c'est bien ça le problème, hein, ce n'est pas que je vous aime pas), enfin bouge-toi, Pau !



Bref, j'avais envie de vous raconter une petite histoire vieille d'une semaine (bouhhh...), lorsque j'ai eu la chance de rentrer dans les ateliers du Père Noël. Afin d'aller chez Cdiscount, quoi. Dans toutes les rédactions de Bordeaux et de Navarre, nous recevions il y a quelques semaines, un petit courrier nous informant de la venue de Fleur Pellerin en Gironde, et de sa visite des locaux de la boîte n°1 française de e-commerce. Alors il faut savoir que Cdiscount, c'est l'antre secrète, le no-man's land journalistique, le défi. A de très nombreuses reprises ces dernières années, des collègues ou moi avons sollicité le service communication de la boîte. Je ne vous cache pas que les lourdes rumeurs de tensions sociales et de conditions de travail pas très nettes nous avaient un peu motivés à solliciter des autorisations de tournage. Parfois, sans aucune malveillance journalistique, nous avons souhaité faire des sujets sur le boum du e-commerce, la réussite de boîtes françaises etc. Portes closes. Zéro communication. Zéro explication. Impossible de montrer un bout d'orteil chez le géant du net. Alors là, invités, on s'est tous dit : chouette, on va enfin pouvoir voir... ce qu'ils vont bien vouloir nous montrer !
Quelques minutes avant l'arrivée de la ministre, sous la pluie, un responsable de com à l'écharpe bien serrée nous prévient illico : vous rentrez, vous faites vos images, mais vous ne posez pas une question aux dirigeants. Alors là, on se rebelle vous voyez, genre "nous, on est journalistes, on ne nous convoque pas monsieur, et on ne nous dit pas ce que l'on doit faire" "si vous nous sollicitez, vous nous parlez" "on n'est pas venus pour rien" (sympa pour Fleur, vous l'aurez remarqué). Un collègue s'en va, son micro sous le bras, en les traitant de.....biiiiiip. Non mais pour qui ils nous prennent ? Entre nous "hihihi, c'est bon, on fait ce qu'on veut, on va aller le voir, le patron".

Bon, on rentre quand même. On fait nos images. On abandonne le cortège ministériel pour filmer à tout va. On s'en fout de la visite, on veut juste faire notre sujet sur le commerce en ligne avant Noël. De véritables gamins indisciplinés. Les attachés de com sont agacés, nous rappellent à l'ordre, nous demandent de ne pas traîner, de ne pas parler au personnel si possible. A la fin, petit pitch du big boss, l'homme qui valait 1,2 milliard, qu'ils disent. "Nos magnifiques résultats..." bla bla. "Record de colis expédiés..." bla bla. "croissance à deux chiffres..." bla bla "honorés de votre présence Madame la ministre..." bla bla. Petit mot de la ministre. Nous nous jetons ensuite sur le fameux boss qui se met alors à hâter le pas et nous ignorer. Regard baissé, mains pour se cacher genre Kate Moss, "non" bredouillant, directeur de com qui tente de s'interposer, ministre gênée, big boss qui fuit face à la peste de la presse qui l'assaille. Révoltés, on se venge sur la ministre qui elle, est bien là pour communiquer. Elle doit partir, le patron revient pour la raccompagner. Il nous évite, quelques journalistes le coincent entre les petits fours et leurs objectifs, l'un deux s'acharne avec ses questions, crie plus fort que la com, et là, acculé, un son chevrotant sort de sa gorge nouée. Il nous dit quelques banalités, un véritable communiqué de presse en version vocale. Ah ah, on l'a bien eu, on l'a gagné notre son ! Bon, on n'a rien appris, on n'a rien pu demander non plus, tout ceci ne fut qu'une minable opération de communication ratée, mais bon, c'est nous qui décidons, tout de même !

Cette petite anecdote pour dire quoi : comment aujourd'hui en France et dans notre société de communication, une boîte qui fait des milliards de chiffre d'affaires peut-elle encore se refuser à parler à des journalistes qu'elle a elle-même acceptés de recevoir, voire invités (ça ne se passerait pas comme ça aux States, moi je vous le dis) ? Au final, leur plan com est-il planté ou implicitement réussi ? Après tout, personne n'a réellement pu raconter le ridicule de la situation et de l'attitude des dirigeants. Et dans quelle mesure, nous journalistes, devons-nous dénoncer ce genre de manipulation ? On nous invite, a priori, c'est pour que nous puissions travailler, et parce que le sujet, le lieu ont un intérêt, une actualité. Mais on ne nous parle pas (pour ne pas être confronté aux questions qui dérangent), et on ne nous montre que ce que l'on veut bien nous montrer. Doit-on protester et partir, avec notre micro sous le bras, en les traitant de....biiiiip ? Doit-on rester, pour tenter de faire notre métier, tenter de raconter quelque chose, de creuser derrière la façade (facile, évidemment, en 45 minutes d'une visite menée au pas de charge) ? Doit-on carrément boycotter ce genre de barnum médiatique ? Doit-on insister, comme certains l'ont heureusement fait (et même pour pas grand chose), juste histoire de dire que notre métier, c'est encore de poser les questions qu'on veut à qui l'on veut, et encore plus aux puissants ? Et est-ce que tout le monde est tenu de nous répondre ?

Nous avons de gros problèmes et de grands questionnement, me direz-vous...(je sens que vous avez envie de me le dire !). Mais le débat est réel, dans ce genre de situations comme lors des innombrables visites ministérielles, communications politiques, portes ouvertes, invitations, et autres sollicitations de médias. Je sers la soupe, parfois, comme tout le monde. D'autres fois, je zappe. Mais je me pose toujours la question. Ouf ?

Très belles fêtes à tous <3 <3

Pau.

ps : bon ben du coup, la photo, ce sont les pieds des dirigeants and co. A défaut de pouvoir les écouter, on se contentera de leurs chaussures.